Le 20 juin 2024, nous avons discuté de la manière dont la communauté internationale peut offrir une voie vers une économie océanique durable impliquant les villes et les régions côtières.
Le rôle des villes dans l'économie océanique
Les intervenants du débat urbain de Genève "Vers une économie océanique durable : Quel rôle pour les villes ?" ont souligné le rôle essentiel, mais souvent sous-estimé, des villes dans l'économie des océans. Certains se sont inquiétés du fait que nous atteignions déjà certaines des limites planétaires de l'écosystème marin. Ils ont expliqué la complexité de la gestion du lien entre l'océan et la ville, depuis les questions environnementales jusqu'aux questions réglementaires, en passant par les changements socio-économiques. Ils ont exploré les rôles multiples que les villes et les régions peuvent assumer pour favoriser les relations synergiques entre les établissements humains et leurs environnements côtiers. Environ 27% de la population mondiale, soit quelque 2,15 milliards de personnes, résident dans des villes côtières et dans les zones côtières avoisinantes.
La plupart des villes océaniques et côtières partagent une relation symbiotique avec la mer. Elles en dépendent pour la connectivité, le commerce, la subsistance, les loisirs et le tourisme. Commerce et développement des Nations unies (CNUCED) La valeur de l'économie des océans est estimée à $2,6 trillions en 2019 (CNUCED, 2021). Toutefois, cette relation n'est pas unidirectionnelle. Les villes sont également à l'origine de quantités considérables de déchets solides, d'eaux usées et de pollution chimique. Ce problème est particulièrement aigu dans les villes où les installations d'assainissement, le contrôle de la pollution, la gestion des déchets solides et des eaux usées et les services ne sont pas proportionnels à la taille et à la croissance des villes. Bien que les orateurs aient mis l'accent sur ces questions comme des défis difficiles mais surmontables, ils ont clairement identifié l'élévation du niveau de la mer et les événements climatiques comme une menace existentielle pour les communautés côtières du monde entier.
Vulnérabilité des communautés côtières et besoins financiers pour une économie océanique durable
À travers l'exemple des petits États insulaires en développement (PEID), les intervenants ont exploré la vulnérabilité des communautés côtières face au changement climatique et aux catastrophes naturelles. Différents aspects de l'économie océanique affectent les communautés côtières. La pêche est souvent artisanale et les changements dans l'écosystème marin ont des conséquences importantes sur les moyens de subsistance de la population concernée. Le tourisme marin représente une part croissante des économies locales, et une approche durable du secteur peut avoir des effets positifs à long terme. Cependant, il y a aussi des défis à relever. Les déchets issus des activités économiques, du tourisme, des transports et du développement urbain représentent une charge croissante pour la gestion des déchets solides, qui relève presque partout de la responsabilité des autorités locales. Environ 47 % des déchets plastiques municipaux sont mal éliminés et risquent de se retrouver dans l'océan (PNUE, 2021).
Les océans et les villes côtières sont des interfaces dynamiques où le comportement humain et le développement urbain se croisent avec les écosystèmes marins et la dynamique du climat. Pour que les villes et régions côtières puissent œuvrer en faveur d'une économie océanique durable, le financement au niveau local est indispensable. Rien que pour la protection mondiale des côtes, on estime que 18 000 milliards de dollars US seront nécessaires d'ici à 2100 (GIEC, 2022). La communauté internationale doit trouver des solutions pour financer des politiques et des projets durables. Des dialogues institutionnalisés peuvent aider à trouver la bonne voie, en particulier en cas de défis transfrontaliers, ce qui est souvent le cas en ce qui concerne l'économie des océans.
Rôle des Nations unies pour le commerce et le développement, exemples et meilleures pratiques
Nous avons appris comment UN Trade and Development peut aider les États membres et les entités infranationales à atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) - en tenant compte des différences nationales dans la délimitation des responsabilités et des juridictions à différents niveaux de gouvernement. UN Trade and Development fournit, à la demande des États membres, des recommandations politiques aux différents niveaux de gouvernement qui englobent les cadres réglementaires du commerce, la planification de l'espace terrestre et océanique, la diversification économique, la résilience des infrastructures et les initiatives de renforcement des capacités visant à favoriser le développement durable le long des zones côtières. L'organisation fait progresser la collecte et l'analyse des données commerciales et aide à concevoir des politiques locales durables.
Les bons exemples de Barcelone (Espagne), Yangzhou (Chine), Mombasa (Kenya) et Copenhague (Danemark) ont montré qu'il existe des solutions inclusives pour une coexistence mutuellement bénéfique de l'écosystème océanique et des habitants des zones côtières. Ces exemples devraient être partagés directement par le biais d'échanges entre villes côtières ou par le biais des travaux connexes d'organisations internationales, telles que le Programme des Nations unies pour le commerce et le développement (PNUD).
Les rôles multiples des océans : Gouvernements locaux et régionaux
Les vastes étendues d'océans et de mers du globe jouent un rôle multiple : elles assurent la subsistance, abritent des minéraux et servent de routes commerciales vitales, facilitant 80 % du commerce international. Si le commerce reste la principale source de production économique dans les zones côtières (on estime que le commerce de biens et de services maritimes représente 1 000 milliards de dollars américains), les intervenants ont attiré l'attention sur le passage socio-économique du commerce à une approche plus complexe de l'économie des océans (le tourisme marin et côtier est estimé à 1 400 milliards de dollars américains). La complexité exige également davantage d'éducation, de formation et de financement. L'objectif ultime est de toucher le cœur et l'esprit des décideurs, des praticiens et de la jeune génération pour s'assurer que nous visons une économie océanique durable.
Compte tenu de leurs responsabilités exclusives et partagées en matière d'urbanisme, de services publics, de développement économique, de transport, de santé, d'infrastructure et de contrôle environnemental, les collectivités locales et régionales (LRG) jouent un rôle central dans l'économie de l'océan. Ils sont appelés à se faire les champions du développement durable, en alignant leurs actions sur les objectifs de développement durable pertinents. La stratégie maritime intégrée de la Catalogne (Espagne) jusqu'en 2030 constitue une bonne pratique, fondée sur une approche holistique. Elle prend en compte les différents domaines de l'économie maritime : le tourisme, les activités récréatives, la pêche, l'aquaculture, les ressources marines, les énergies renouvelables, la biotechnologie, le transport, les activités portuaires, la construction navale et le dessalement. Il propose également - et peut-être surtout - un moyen d'équilibrer le bien-être des citoyens et la durabilité de l'environnement marin. Il utilise un modèle de gouvernance innovant, incluant plusieurs niveaux de gouvernement, des agences spécialisées et des organisations pertinentes.
En réponse aux questions, les intervenants ont convenu que l'intégration du dessalement de l'eau de mer dans les systèmes de gestion des eaux urbaines constituait une solution potentielle aux problèmes d'eau douce. Cependant, elle nécessite le développement d'infrastructures spécifiques et représente actuellement un coût unitaire cinq fois plus élevé.
Se référant à la localisation des ODD, les intervenants ont souligné le risque que ces objectifs mondiaux ne soient pas réalisés si les contributions et les acteurs locaux ne sont pas intégrés dans le processus. Les statistiques mondiales basées sur des données nationales agrégées ne reflètent pas toutes les nuances du développement. Les intervenants ont suggéré d'examiner comment localiser les indicateurs et comment offrir des recommandations politiques ciblées aux gouvernements locaux et régionaux.
Résultats
Le débat urbain de Genève a permis de sensibiliser le public au lien entre les océans et les villes dans le cadre d'une économie bleue durable, ainsi qu'aux activités pertinentes menées par le département du commerce et du développement des Nations unies sur ces questions cruciales. Il a ouvert la voie à un échange d'informations entre l'organisation et les GRL.
Sur la voie du Sommet des Nations unies sur l'avenir en septembre 2024 et de la Conférence des Nations unies sur les océans en 2025, il est essentiel de relier les GRL et les organisations internationales pour faire progresser le multilatéralisme inclusif et rendre la prise de décision intergouvernementale plus efficace en intégrant les voix de tous les niveaux de gouvernement.
Les présentations et les documents sont disponibles sur le site web de la CNUCED.
Remerciements
Nous remercions les orateurs distingués de ce séminaire en ligne :
- S.E. M. José R. Sánchez-FungAmbassadeur, représentant permanent de la République dominicaine auprès de l'Organisation mondiale du commerce et de l'Organisation des Nations unies pour le commerce et le développement
- Graham AlabasterChef du bureau de Genève, UN-Habitat
- David Vivas EuguiChef de section, Océan et économie circulaire, Commerce et développement des Nations unies
- Dr Awni BehnamPrésident honoraire de l'Institut international de l'océan, Malte
- Sergi TudelaDirecteur général de la politique maritime et de la pêche, gouvernement de Catalogne