"Les maires sont à l'avant-garde du leadership en matière de santé urbaine".

Le 2 octobre, la GCH a fourni un une occasion unique pour les maires de rencontrer le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général, Organisation mondiale de la santé (voir ses remarques ici). Dans cet entretien, il nous fait part de son point de vue sur la santé urbaine, le rôle des gouvernements locaux et l'avenir du multilatéralisme.

Quel est le message principal que les maires devraient retenir de votre discours ?

Les maires et les responsables urbains jouent un rôle essentiel dans la résolution d'un large éventail de problèmes de santé dans leur ville, qu'il s'agisse de maladies non transmissibles, de maladies infectieuses, de blessures et de violences, d'inégalités en matière de santé, de sécurité sanitaire ou de préparation aux situations d'urgence.

Les maires sont à l'avant-garde du leadership en matière de santé urbaine, et leurs actions peuvent avoir un impact significatif sur la santé et le bien-être de leurs citoyens. Les maires et autres responsables politiques et communautaires locaux jouent également un rôle crucial dans la prévention, la préparation, la réponse et le rétablissement des urgences sanitaires.

L'OMS s'est engagée à soutenir les maires et les responsables urbains dans leurs efforts pour améliorer les résultats sanitaires des populations urbaines et la sécurité sanitaire au sein de celles-ci. Les ressources techniques et les cadres de l'OMS sur la santé urbaine comprennent les lignes directrices de l'OMS sur le logement et la santé, l'ouvrage de référence sur l'intégration de la santé dans la planification urbaine et territoriale, et le cadre pour le renforcement de la préparation aux situations d'urgence sanitaire dans les villes et les milieux urbains.

Il est essentiel de reconnaître que l'impact du leadership d'un maire en matière de santé urbaine s'étend au-delà des limites de la ville lorsqu'il s'engage activement dans des initiatives internationales et multilatérales. La déclaration des maires pour une meilleure prévention, préparation et réponse aux pandémies, signée par plus de 70 maires du monde entier, plaide en faveur de l'équité et d'une approche globale de l'ensemble du gouvernement dans le nouvel accord sur les pandémies actuellement en cours de négociation par les États membres de l'OMS. L'accord fait référence aux travaux de l'OMS sur la préparation aux urgences sanitaires en milieu urbain, qui soutiennent les efforts des pays pour mieux préparer leurs villes aux menaces et aux urgences sanitaires.

Comment l'Organisation mondiale de la santé collabore-t-elle avec les autorités locales ? Pourriez-vous donner des exemples précis à cet égard ?

L'OMS a mis en place divers réseaux mondiaux de villes, avec lesquels elle travaille en partenariat, afin de faciliter l'échange d'expériences et de soutenir les initiatives locales visant à améliorer la santé en milieu urbain.

Parmi ces réseaux multipartites, on peut citer

• BreatheLife : le réseau BreatheLife rassemble des villes, des régions et des pays qui se consacrent à l'amélioration de la qualité de l'air et collaborent à des solutions innovantes pour lutter contre la pollution atmosphérique et atténuer le changement climatique.

• Réseau mondial des villes et communautés amies des aînés (GNAFCC) : Créé en 2010, le GNAFCC relie les villes, les communautés et les organisations du monde entier dans le but commun de créer des communautés qui soient des lieux de vie et d'épanouissement idéaux pour les populations âgées.

• Partenariat pour les villes-santé (PHC) : Le partenariat pour les villes-santé, soutenu par Bloomberg Philanthropies en partenariat avec l'OMS et Vital Strategies, comprend un réseau mondial de 70 villes et s'engage à sauver des vies en prévenant les maladies non transmissibles (MNT) et les blessures.

• Réseaux régionaux de villes-santé : Chacune des six régions de l'OMS a mis en place un réseau de villes-santé, en tenant compte des différents contextes de gouvernance urbaine et des priorités régionales en matière de santé urbaine.

L'OMS apporte son soutien aux gouvernements infranationaux pour l'élaboration, la mise en œuvre, le suivi et l'évaluation des politiques destinées à promouvoir la santé urbaine. C'est le cas, par exemple :

• L'initiative de l'OMS pour la santé urbaine (UHI) : L'UHI fournit aux décideurs des outils et des conseils pour évaluer de manière exhaustive les avantages et les risques potentiels pour la santé associés aux polluants atmosphériques et climatiques. Cette évaluation constitue une preuve solide qui peut être partagée avec le public avant d'introduire et de mettre en œuvre des politiques et des stratégies locales de réduction des émissions.

• Le projet "Gouvernance urbaine pour la santé et le bien-être" (UGHW) : L'OMS collabore avec les maires de cinq villes - Bogota (Colombie), Mexico (Mexique), Khulna (Bangladesh), Douala (Cameroun) et Tunis (Tunisie) - afin de renforcer les mécanismes existants de gouvernance urbaine participative pour la santé et le bien-être. Cet objectif est atteint grâce à une collaboration multisectorielle, à l'engagement communautaire et à la promotion d'innovations sociales et de dialogues au niveau local.

Quelle implication et quelle action attendez-vous des gouvernements locaux en matière de santé urbaine ?

Les collectivités locales sont particulièrement bien placées pour comprendre les besoins spécifiques de leurs communautés en matière de santé, grâce à un engagement étroit avec les habitants. En outre, elles ont la capacité de mettre rapidement en œuvre des actions en cas d'urgence ou d'autres menaces pour la santé.

Les autorités locales peuvent mener des actions visant à améliorer la qualité de l'air, à garantir l'accès à l'eau potable et à des installations sanitaires améliorées, et à s'engager dans une planification urbaine saine. Elles peuvent mettre en œuvre des politiques d'interdiction de fumer, appliquer des mesures de sécurité routière, promouvoir des systèmes et des régimes alimentaires sains, gérer l'environnement pour lutter contre les maladies à transmission vectorielle et se préparer aux situations d'urgence sanitaire. Ils sont également des acteurs essentiels tout au long du cycle d'urgence et jouent un rôle clé dans l'efficacité de la surveillance, du suivi et de l'engagement communautaire, ainsi que dans l'atteinte des populations vulnérables.

Les collectivités locales doivent reconnaître les liens profonds entre la santé et le bien-être dans les zones urbaines et les systèmes urbains complexes. Ces systèmes urbains englobent divers secteurs, notamment le logement, les transports, l'énergie, l'aménagement du territoire, l'eau et l'assainissement, l'agriculture urbaine et la gestion des déchets. Les mesures prises dans un secteur peuvent en affecter d'autres de manière imprévue.

Par conséquent, les gouvernements locaux devraient essayer d'adopter des approches stratégiques et holistiques. Pour mettre en œuvre efficacement cette approche multisectorielle, les collectivités locales doivent améliorer leur compréhension et renforcer leurs capacités dans des domaines politiques transversaux, notamment la production et l'utilisation de données probantes, la gouvernance et le financement, l'innovation, ainsi que les partenariats et la participation.

Comment voyez-vous l'avenir du multilatéralisme inclusif ?

Le multilatéralisme inclusif a tout à gagner de l'implication active des maires et des responsables urbains, car il offre une voie vers des solutions plus efficaces, localisées et centrées sur l'être humain pour relever les défis mondiaux.

Les maires sont en première ligne pour traiter des questions mondiales importantes, notamment le changement climatique, les crises de santé publique et l'équité sociale. Ils ont une compréhension plus nuancée des besoins de leurs communautés et de leurs électeurs, ce qui leur permet d'offrir des perspectives inestimables pour s'assurer que les politiques et les initiatives mondiales sont en parfaite adéquation avec les réalités du terrain.

En outre, les maires sont bien placés non seulement pour façonner les politiques mondiales, mais aussi pour jouer un rôle central dans la localisation et la mise en œuvre des programmes mondiaux, tels que les objectifs de développement durable. En alignant les politiques et les actions locales sur ces stratégies mondiales, les maires comblent le fossé entre les aspirations internationales et les progrès pratiques et quotidiens nécessaires dans les villes et les zones urbaines.

Dans la perspective d'un multilatéralisme inclusif, les maires ont un rôle essentiel à jouer en matière de plaidoyer et de diplomatie. Des dirigeants locaux pionniers ont déjà démontré leur capacité d'engagement diplomatique et de coopération internationale. Nous pouvons nous attendre à ce qu'un nombre croissant de maires participent à la diplomatie et aux négociations mondiales, renforçant ainsi leur voix dans les forums internationaux.

Les mécanismes de collaboration qui favorisent les échanges et les partenariats entre les villes et les maires deviendront de plus en plus cruciaux, permettant à divers dirigeants de présenter des messages cohérents et collectifs pour relever les défis communs en matière de santé urbaine.