Les villes en guerre et en crise prolongée étaient au centre de la réunion annuelle du groupe de travail de CGLU sur la prévention et la gestion territoriale des crises (28 novembre 2022), présidée par M. Sami Kanaan, adjoint au maire de Genève et président de GCH. Dans son discours d'ouverture, M. Kanaan, a réaffirmé que "Les villes jouent un rôle croissant sur la scène internationale, que ce soit dans la lutte contre le changement climatique, la gestion des flux migratoires massifs ou la réduction des inégalités sociales. Accordons-leur plus d'espace au niveau multilatéral.".
Le GCH a animé la session sur les villes en guerre. Des maires de villes ukrainiennes touchées par le conflit (villes de Kharkiv, Mykolaiv, Novorodh Siverskyi, Slavutych) et des représentants de la ville de Saida au Liban ont partagé leurs expériences, leurs préoccupations, leurs besoins, ainsi que leurs espoirs pour l'avenir. Parmi les autres participants figuraient des acteurs internationaux basés à Genève tels que le CICR, CEE-ONU, FICR et les membres de la Alliance mondiale sur les crises urbaines.
Si le thème des villes en guerre fait actuellement l'objet d'une grande attention internationale, la question est ancienne. François Grünewald du Groupe URD rappelle que "À l'époque de la Grèce antique, la guerre se déroulait entre les villes. Puis, la guerre s'est déroulée pour les villes avec des armées qui tentaient de conquérir ces lieux concentrant pouvoir, richesse, culture. À une autre époque, la guerre était menée contre les villes. Maintenant, dans un contexte comme celui de l'Ukraine, la guerre se fait dans les villes, en imposant un siège et/ou en les détruisant complètement.". Marianne Gasser a ensuite parlé du travail du CICR pour soulager les souffrances humaines dans les contextes urbains. Elle a indiqué que "La guerre urbaine a des conséquences dévastatrices. Les collectivités locales sont présentes avant, pendant et après un conflit armé. Elles sont souvent en première ligne en tant que premiers intervenants. Il est donc important que les acteurs humanitaires travaillent avec eux et cela ne doit pas compromettre le respect des principes humanitaires".
Les maires ukrainiens ont fait part de leurs principaux défis dus au conflit armé : fournir de l'eau potable, réparer les infrastructures énergétiques et de chauffage endommagées par les bombardements, reconstruire les écoles et les maisons, organiser des abris d'hiver où les gens peuvent se chauffer et avoir de l'électricité pour recharger leurs téléphones portables. Ils ont indiqué leurs besoins (matériel d'excavation, générateurs, matériaux de réparation, véhicules municipaux, etc.) et ont également évoqué les plans de redressement et de reconstruction de leurs villes. L'accent a été mis sur le fait que les municipalités ukrainiennes ont été parmi les premières à réagir au conflit, couvrant les besoins humanitaires de base près de la ligne de front et organisant l'accueil de millions de personnes déplacées dans des zones plus éloignées des combats.
Malgré cela, les municipalités sont souvent négligées par le système humanitaire international, qui a été conçu pour travailler principalement au niveau national. Pourtant, la gestion des crises urbaines complexes est devenue la nouvelle normalité et les acteurs humanitaires internationaux devront opérer un changement radical de politique et de pratique pour s'engager de manière cohérente avec les autorités locales. Approches par zone (par opposition aux approches sectorielles traditionnelles) gagnent maintenant en popularité parmi les humanitaires, mais il reste compliqué pour les acteurs humanitaires de naviguer dans des systèmes urbains complexes et, inversement, il est difficile pour les autorités locales de comprendre les structures, les mécanismes et les processus humanitaires internationaux. Parmi les autres défis à relever figurent le respect des principes humanitaires, le fait que les autorités locales changent au fil du temps et que les donateurs ne sont pas nécessairement prêts à fournir un financement direct aux municipalités.
D'autre part, certains participants ont rappelé au cours de l'événement qu'il existe des initiatives de solidarité entre les villes et que des villes ukrainiennes avaient reçu une aide humanitaire directe et une aide au redressement de la part d'autres villes par le biais de divers mécanismes. Mais la conversation autour de l'aide humanitaire internationale et du rôle des gouvernements locaux et régionaux doit être poursuivie avec toutes les parties prenantes intéressées afin que les municipalités puissent renforcer la résilience de leurs services publics fournis à la population, même en temps de guerre.